Cela fait assez longtemps que je veux vous parler du Salon du goût de Slow Food à Turin (Salone del gusto) où j'ai passé quatre jours et demi à la fin d'octobre 2010. Gros morceau à rédiger si je voulais parler de tout ce que j'ai vu et dégusté, à raison de trois ateliers « officiels » du goût par jour et de nombreuses occasions au fil des stands et pavillons de consortiums et de régions qui proposent des dégustations plus ou moins structurées de leurs produits. Je commencerai donc par la fin et vous décrirai le superbe dîner réalisé avec les produits et les vins du Val d'Aoste auquel j'ai pu participer dans le pavillon de cette région le dernier soir, le dimanche 24 octobre.
L'aspect même du pavillon est attractif (ce qui n'est pas toujours facile à réaliser dans le cadre d'un vaste bâtiment de foire-expo même si l'architecture interne du Lingotto, l'ancienne usine de Fiat ne manque pas de puissance) et évoque les images des alpages et les senteurs de leurs plantes que l'on peut humer dans un présentoir en forme de marguerite géante à l'entrée.
Les convives du dîner, une quinzaine, sont ensuite conduits dans ce qui pourrait être la salle à manger d'une ferme-auberge de montagne où l'on affinerait les fromages produits sur place, un espace circulaire entouré d'étagères placées devant des grandes photos des alpages et sur lesquelles sont posées des meules du fromage DOP Pontina et des objets du quotidien paysan.
Nous sommes conviés à un repas réalisé avec les produits typiques de cette région autonome de la taille d'un petit département français (voir le lien). C'est un carrefour de langues qui ressortit de l'espace linguistique franco-provençal. On y pratique deux langues officielles (le français et l'italien) et la langue locale, le valdôtain, dotée de nombreuses variantes, est aussi enseigné à l'école (voir le lien). La Vallée d'Aoste (ou Val d'Aoste), Valle d'Aosta, est enclavée entre le Valais suisse au nord, la Savoie à l'ouest et le Piémont au sud et à l'est.
Un petit exposé fait par un gourmet et amateur de vins nous situe la gastronomie locale et ses produits typiques ainsi que leur mode de production. Une petite expérience sensorielle nous est proposée : manipuler et respirer du foin et des fleurs sèches de la montagne dont se nourissent les vaches et dont on retrouvera les senteurs dans les fromages.
Trois vins nous sont servis pour accompagner le repas :
un blanc sec, DOC Val d'Aoste, cuvée Kiuva, 2009, belle expression du cépage « petite arvine » très répandu dans le Valais voisin, doré assez intense, nez floral, attaque nette, belle acidité et finale saline
un rouge sec, DOC Val d'Aoste, cave des Onze communes à Aymavilles, 2009, expression intéressante du mayolet, un cépage de cuve noir typique du Val d'Aoste, violet peu intense, nez de cassis et un peu fumé, belle fraîcheur, souple et simple, un vin de soif
un blanc liquoreux, DOC Chambave Moscato Passito Val d'Aoste, La Crotta di Vegneron, Prieure, 2006, une excellente expression de muscat passerillé, doré cuivré soutenu, nez intense, fruits confits, notes de peau d'orange, d'abricots, d'ananas..., bonne acidité, pas de lourdeur
L'entrée nous est alors servie, une assiette portant différents produits ou petites préparations succulentes : un prosciutto tendre et parfumé, une fine tranche de lard fondant et légèrement salé, une rillette onctueuse, des châtaignes cuites enrobées dans une tranche de lard, un morceau de fromage (DOP Pontina) aux arômes bien marqués.
Le service des plats et des vins est attentif et impeccable, digne des meilleurs restaurants.
Le deuxième plat est riche de saveurs et de flaveurs : une feuille de chou cuite dans un bouillon entourant un morceau de fromage est posée sur une tranche de pain, puis passage au four pour gratiner, une note de cannelle vient parfumer le plat.
Troisième plat : une carbonada du Val d'Aoste (lien vers la recette), viande de bœuf cuite dans le vin et parfumée aux épices (girofle, cannelle, poivre visibles sur le bord de l'assiette) servie sur un lit de polenta, bon accord avec le vin rouge de mayolet.
Dessert : une tarte de pâte fine garnie de pommes fondues et nappée d'un peu de crème se marie parfaitement avec le Moscato passito.
Pour finir un verre de « Génépi », une liqueur aux arômes balsamiques puissants de foin et d'herbes de montagne obtenue par distillation de plantes de la famille de l'artémise, nous est servie en guise d'au-revoir et nous permet d'aller prendre le bus dans la nuit humide et frisquette de cette ville traversée par le Pô.
Un grand merci à nos hôtes pour cette belle, savoureuse et généreuse hospitalité qui donne envie d'y aller voir de plus près.
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