C'est au retour de mon voyage de fin juin à Benquet, près de Mont de Marsan, chez Manu et Zézé, que je me suis arrêté à Eugénie-les-Bains à la Ferme aux Grives, un des établissements de Michel Guérard, le célèbre cuisinier, inventeur de la « nouvelle cuisine minceur » lors de son installation dans les années soixante-dix avec son épouse Christine dans cette station thermale un peu endormie.

Depuis, ils ont créé un petit empire autour de leur Relais et Châteaux « Les Prés d'Eugénie » où l'art culinaire à trois étoiles se décline sous deux versions : cuisine gourmande et cuisine minceur active. Selon le temps et le budget dont on dispose, on ne fera qu'y passer ou on restera à se faire, chèrement, koukouner dans ces lieux magiques qui ont pour nom : le Couvent des herbes, la Ferme thermale, la Maison rose, le Logis des Grives, la Ferme aux Grives. S'ajoutent à cela trois potagers, deux piscines et un club de remise en forme et aussi le domaine viticole du château de Bachen en appellation Tursan dont les vins sont bien représentés sur les cartes.
 
J'avais donc réservé pour 13 h à la Ferme aux Grives qui est l'auberge de ce complexe ce qui me laissa le temps de faire une petite halte dégustation au caveau des Vignerons de Tursan à Geaune (rien à voir avec le vin du Jura) pour me familiariser avec les VDQS de cette appellation ainsi qu'avec les VdP voisins des Coteaux de Chalosse ou des Landes. Il y a là quelques vins intéressants dont certains avec des cépages spécifiques (arriloba et barroque en blanc, egiodola en rouge), à voir dans un prochain billet.

Arrivée dans la coquette station d'Eugénie-les-Bains, la Ferme aux Grives et la Maison rose (logis) partage le même enclos joliment jardiné où un groupe est assis dans un coin en train d'aquareller. L'auberge occupe une partie d'une ancienne ferme landaise dont l'autre partie, qui était l'ancienne maison de maître avec galerie séchoir, est occupée par 4 logis (c'est le Logis des Grives). On est là chez rustique de chez rustique : grande salle à balcon où le bois nature règne en maître, poutres dans tous les sens, large cheminée à rôtir ornée d'un tableau de moisson avec lourd chariot à bœuf emblématique de la maison, étal de légumes, jambons suspendus, tables et chaises de style Louis XVI campagnard aux pieds en bois tourné. On me place au balcon où il y a cinq tables, j'ai vue sur la cheminée et le coin où un aide cuisinier s'affaire à assembler les plats avant que les serveurs ne les enlèvent.

L'auberge propose au déjeuner ou au souper un menu à 45 euros ; un amuse bouche suivi de trois plats : entrée (4 choix), plat garni (5 choix) et dessert/fromage (5 choix). Je fais rapidement mon choix. L'amuse-bouche (une gougère et un peu de saucisson de Noir de Bigorre, excellent) arrive assez vite pendant que j'examine la carte des vins. Elle est assez resserrée avec une bonne part de vins locaux (pas de Bourgogne, ni d'Alsace, ni de Loire) : 3 blancs secs, 1 blanc moëlleux, 1 rosé, 10 rouges. Les vins de Michel Guérard (ch. de Bachen, Rosa la rose et domaine du Meunier) sont bien représentés et proposés au verre à 6 euros. Une demi douzaine de bordeaux de millésime plus anciens complètent le tableau.

Je choisis en entrée l'œuf mollet en salade de haricots sur une gelée fondante de soupe à l'oignon. Ce plat simple et goûteux se marie bien avec le blanc 2005 du ch. Bachen (doré moyen à reflets verts, un peu miellé, bouche citronée avec de la fraîcheur) élaboré à partir de petit et de gros manseng, de barroque et de sauvignon. L'attente pour le plat (le petit cochon de lait à l'âtre, farci comme en Castille accompagné comme tous les plats d'une purée de pommes de terre au beurre et d'un gratin de macaronis à la crème de cèpes) commence. Elle sera très longue et me sera expliquée (sinon justifiée) plus tard par un oubli (!) : il faut dire que j'ai eu à faire à 3 ou 4 personnes entre l'accueil/placement, la prise de commande, le service du vin, le service de l'entrée. N'ayant rien à lire en attendant, j'ai ainsi développé ma vie intérieure, noté beaucoup de détails sur les lieux, la carte, les vins.... Les verres par exemple fort jolis avec leur pied fantaisie mais mal adaptés pour déguster le vin car trop ouverts.

Le petit cochon de lait à l'âtre (jolies allitération et assonance) tient ses promesses : enveloppe bien croustillante autour d'une farce moëlleuse parfumée à la cannelle, au gingembre et à nombre d'autres épices ; le gratin de macaronis à la crème de cèpes est excellent. L'onctuosité du plat s'accorde très bien avec les tanins précis du VdP des Côtes de Gascogne, domaine du Meunier, 2005 (merlot, cabernet franc, cabernet sauvignon, tannat ). Je termine le repas par une glace au lait caillé sur une compotée de cerises et framboises rafraîchissante. Je résiste à la tentation d'un jurançon au verre et me contente d'un café avant de reprendre la route.

Une bonne table dans un style rustique bien travaillé mais un peu cher (30/35 euros seraient plus en rapport avec le cadre et ce qui est servi) avec un creux dans le service inexplicable (penser à se manifester une autre fois) mais je peux toujours me dire j'aurais mangé chez Michel Guérard même s'il n'est pas venu en personne me serrer la pince.

La Ferme aux Grives
auberge historique, cuisine de terroir
40320 Eugénie-les-Bains
05 58 05 05 05
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