Les Arlésiennes ont la réputation de ne pas être là où on les attend. Mais ce jour-là, en cette fin mars, le soleil, un vent léger, un restaurant agréable, un musée tranquille et une belle exposition étaient au rendez-vous.
Le musée Réattu est accueillant, c'est un beau bâtiment de style médiéval adouci de Renaissance, son fonds permanent tourne autour des œuvres de Jacques Réattu (G.P. de Rome en 1791, en pleine vogue de l'Antique). Comme tous les peintres de cette époque, il a d'abord été formé au dessin et c'est ce que nous avons préféré, même si les huiles sont bien composées mais n'ont pas cette belle lumière qu'il sait accrocher dans ses œuvres sur papier. Le musée possède un bel ensemble d'œuvres de Picasso qui en a fait don à la ville où il venait pour les corridas et un fonds de photos important que nous n'avons pas pu voir car les murs étaient occupés par une exposition temporaire des travaux d'un contemporain, Albert Ayme, où nous avons particulièrement remarqué les effets intéressants obtenus par découpage au scalpel de couches superposées de feuilles de papier carton : effets d'entrelacs et de courbes de niveau, une énorme activité tout au long de l'année 1962 lorsqu'il a mis au point cette technique qu'il a baptisée « reliefs soustractifs ». Vu aussi sa « Triple suite en jaune à la gloire de Vincent Van Gogh », géométries rigoureuses de bandes colorées aux nuances presque imperceptibles.
L'éditeur Actes Sud possède tout un pâté de maison au bord du Rhône qui en fait un vrai centre culturel privé : une grande librairie, un lieu de concert et d'exposition (la chapelle du Méjan), un cinéma et un restaurant (l'Entrevue). Après sa belle exposition au musée Fleury à Lodève en février de cette année, André-Pierre Arnal persiste et signe. La chapelle du Méjan convient parfaitement à ses grands formats aux chatoiements chromatiques complexes regroupés sous le titre de « Frontières » qui fait allusion, peut-être, à sa manière de traiter (retraiter) les cartes routières ou d'état-major et d'en obtenir des pays imaginaires aux limites perturbées et à la géologie apparente. Vous aviez jusqu'au 15 avril pour vous immerger dans ce bain vibrant de couleurs (entrée libre).
Dans le domaine artistique, je veux aussi vous parler de l'Atelier de Jean-Luc Rabanel. Soit une rue piétonne près de l'hôtel de ville, soit une salle rectangulaire pouvant accueillir une trentaine de convives : murs blancs, banquettes et tables noires, plinthes hautes et champs des murs bas de séparation des espaces d'un rouge entre corail et sang. On peut aussi manger à la terrasse. Le choix est entre le menu Création (37 euros) et le menu Émotion (55 euros), vous ne pourrez pas les détailler par écrit car c'est selon le marché et l'inspiration du chef. Dans le premier une dizaine de petites préparations savoureuses, dans le second une quinzaine de préparations. Commence alors un ballet bien réglé et au rythme soutenu animé par Guillaume et Christelle.
L'énumération complète de ce qui nous fût servi dépasse le cadre de ce billet et serait un peu vaine puisque vous ne trouverez pas les mêmes plats une autre fois.

À titre d'exemples comme entrées : une sardine fraîche sur un sablé au parmesan accompagné d'un lait glacé à la cacahuète et de sauce escabèche ; asperges blanches placées verticalement dans une verrine ovale avec une émulsion de bouillon de légumes à la pistache et gelée d'orange maltaise ; une raviole soufflée avec tomate confite et oignon doux, bouillon de graine sauvages et copeaux de parmesan dans un petit bol en porcelaine. Pour plat central : du saumon sauvage à la plancha avec une garniture de petits légumes ou une petite côtelette d'agneau avec topinambours, poireaux, fèves au jus de réglisse et ail confit. En desserts : sur une purée de patate douce, une mousse de noix de coco avec une tuile de chocolat ou une gelée de framboises cuites aux épices au fond d'une verrine surmontée d'un lait glacé au thym, citron et basilic ou encore une tartelette déstructurée avec la pâte à tarte au fond d'un verre surmontée de gelée de citron recouverte d'une mousse à l'orange. En bref, des présentations inattendues et raffinées, des saveurs et des textures complexes d'une parfaite justesse de goûts, de cuissons et d'arômes. Bravo l'artiste. La carte des vins est assez simple, issus pour la plupart de domaines travaillant en bio. Nous avions penché pour un Gigondas 2002 du domaine Montirius qui s'est bien adapté à la plupart des préparations qui nous furent servies (on peut opter pour une formule où les vins seront servis au verre selon le choix du sommelier, mais nous n'avons pas discuté des conditions). Avec les desserts, un verre de Rivesaltes ambré 2005 du château de Rey (Canet en Roussillon) a été le bienvenu.
L'atelier de Jean-Luc Rabanel
7, rue des Carmes
13200 ARLES
04 90 91 07 69
fermé lundi et mardi
site Internet assez décoiffant