au long de la 7, 3ème jalon
Par Igor Gourévitch le mardi 18 septembre 2007, 18:01 - en vadrouille - Lien permanent
Ayant à faire à Beaune pour l'université d'été de Slow Food en cette fin août, j'en ai profité pour faire quelques haltes gourmandes en chemin et sur place. Impressions.
Il a bien fallu quitter Beaune. Ce fut donc un lundi matin de beau soleil, direction Valence où j'avais retenu une table pour deux au 7 (de Pic). Le 7 est le bistrot de la Maison Pic dirigée maintenant par Anne-Sophie Pic.
En matière de haute cuisine et de gastronomie, en plus du talent culinaire il faut aussi avoir la capacité de déployer une mise en scène (de l'espace où l'on mange d'abord et de la présentation des plats ensuite) ainsi que celle de dérouler un récit, le tout formant une dramaturgie. Ces capacités, Anne-Sophie Pic, de la dynastie des Pic de Valence, les possède indéniablement. Un petit tour sur son site Internet suffira pour s'en convaincre et pour avoir l'eau à la bouche. La Maison Pic est bien relancée par le couple qu'elle forme avec son mari David Sinapian, la troisième étoile obtenue récemment en témoigne. En quelques clics on se promène dans l'arbre généalogique de la famille depuis la fondatrice, son arrière-grand'mère Sophie, puis on redescend en passant par le grand'père, André, et par le père, Jacques, qui avaient établi la réputation de ce qui s'appellait l'Auberge du Pin et on a un aperçu du futur avec le fils d'Anne-Sophie et de David, né récemment.
Tout bon récit est un récit initiatique avec mise à l'épreuve et mise en danger. Anne-Sophie nous le concocte comme il se doit : détour par des études de gestion et expérience à l'étranger, retour à sa vocation (la cuisine), drame familial avec le décès du père qui s'apprêtait à la former, difficultés à s'imposer en cuisine dans sa propre maison faute d'expérience indiscutable, prise en main de la maison sur laquelle elle impose son style et reconnaissance de ses talents de cuisinière. J'abrège. La Maison Pic a proprement parler est le restaurant gastronomique (plus un hôtel) et le 7 est donc le bistrot où une cuisine et un service plus décontractés sont de mise.
Le lieu file la métaphore de la Nationale 7 qui passait devant sa porte, d'où son nom, avec ses éléments de signalisation et de décoration ainsi que son menu imprimé sur une carte pliée façon carte routière. Le temps de passer par la salle au décor en clin d'oeil au baroque avec ses tables en plastique gris façon ardoise au piètement en acier brossé, ses chaises en plexyglas rouge, ses lustres Napoléon III en pâte de verre noire, ses verres rouges, sa vaisselle blanche et nous arrivons dans le patio ombragé par de vieux tilleuls où nous attendait une table de bistrot avec un bouton sur le bord pour suspendre sa serviette.
Brève étude la carte. La formule "sur le pouce" de plat unique changeant chaque jour midi de semaine avec un verre de vin (ou une eau minérale) à 17 euros peut satisfaire un voyageur pressé mais nous sommes tentés plutôt par la formule "pleine de sens" à 30 euros avec 2 choix à chaque étape : entrée, plat et desssert. Nous passons commande.
En attendant l'arrivée de l'entrée, petit coup d'oeil sur la carte pour voir de quoi il retourne : la maison joue la fraîcheur dans un style méditerranéen, une simplicité revisitée par la vivacité. Les entrées ("départ") sont à 10/12 euros, le plat ("pour suivre") sont à 20/25 euros et les desserts "arrivée en douceurs") à 7 euros. Carte des vins centrée sur la vallée du Rhône aussi bien en blancs qu'en rouges (une vingtaine de références dans les deux cas dont quelques 1/2 bouteilles ou 50 cl) complétée par une dizaine de blancs et une douzaine de rouges d'autres origines. Une petite offre de vins en carafe (50 cl) ou au verre (17 cl) à prix raisonnable permet au petit buveur de survivre, pas de blanc cependant ce jour-là.
Nous choisissons un Saint-Joseph rouge 2004 de la cave de Saint-Désirat (frais, sur le fruit). Les verres sont du modèle tradition de chez Mikasa, couverts d'une bonne densité de la même origine. L'entrée arrive : un tajine de volaille aux épices en entrée servie en bocal, le couvercle recevant une petite salade de mesclun. C'est frais et doucement épicé : on y trouve le blanc de volaille en petits cubes en gelée et des légumes croquants en très petits dés (courgettes, carottes, écorces de citron confit, mini pois chiches....) avec des raisins secs, un peu de houmos et de cumin en poudre. Excellent pain sous forme d'une petite baguette farinée servie dans son fourreau de papier, comme si on était allé l'acheter soi-même chez Xavier Honorin, le boulanger, fournisseur de la maison.
Longue attente pour le plat qui finit par arriver alors que le soleil vient tangenter notre table : tendron de veau à la cuisson réussie, jus à l'anchois avec une purée de haricots coco (excellente mais en quantité vraiment faible).
Alors que nous réclamons une carafe d'eau pour la troisième fois, le soleil s'invite vraiment à table. En attendant le dessert nous migrons vers une table à l'ombre. Attente longue derechef et nous allons vers une troisième table pour savourer le dessert (un abricot poché avec une crème légère au chocolat jivara et un sorbet à l'abricot) et prendre un excellent café, concentré et aromatique.
Au total un lieu agréable, décor plaisant, vaisselle de bonne qualité, cuisine montrant une bonne maîtrise des saveurs et des présentations à un prix acceptable. Des négligences dans le service (demandes réitérée pour la carafe d'eau et longue attente entre les plats) ; ne pas hésiter donc à héler les serveurs si cela se produit quand vous vous arrêterez au 7 (de Pic).
7 par Anne-Sophie Pic
285, av. Victor-Hugo (anc. rte natle 7)
26000 Valence
04 75 44 53 86
www.pic-valence.com
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