J'ai rédigé ce billet à la demande de Danielle Benzimra et Martine Mongin de la Galerie de l'Ancien Courrier  qui ont souhaité rendre hommage à René Ferris, récemment décédé, et dont elles organisent de fin mars à début mai l'exposition des tableaux qu'il venait de réaliser en Camargue.

C'est tardivement, trop tardivement que j'ai connu René Ferris. Je me le reproche un peu, je le regrette beaucoup. J'avais remarqué ses œuvres à l'occasion d'accrochages dans la salle du restaurant du campus du CNRS, vaste et honorable maison à laquelle nous appartenions tous deux, mais je n'avais pas eu de contact direct avec René ces fois-là. C'est au retour d'un voyage culturel en Vénétie avec notre comité d'entreprise qu'une collègue qui le connaissait bien me le présenta.
 

Je devins aussitôt un assidu de son travail à l'occasion des expositions régulières à la galerie de l'Ancien Courrier, achetant rapidement une première œuvre, suivie de quelques autres. Nous avions plaisir à nous retrouver, le plus souvent le mardi midi, avec quelques unes de ses collègues de son ancien labo, à ce même restaurant du campus et il aimait parler de son travail en cours, de ses projets.
 

J'avais ainsi été témoin du dévouement exemplaire avec lequel il avait organisé en mai 2007 l'hommage des anciens élèves de Georges Dezeuze à l'école des Beaux-Arts de Montpellier. Plus que tout autre, il avait mis dans ce projet, dont il était le commissaire, le temps, l'énergie et la ténacité indispensables pour réunir au Carré Saint-Anne des œuvres anciennes ou plus récentes d'une trentaine de ses condisciples qu'il lui avait fallu retrouver, contacter et convaincre. La générosité et la gentillesse sans mièvrerie qui caractérisaient René dans ses relations à autrui, et particulièrement à l'égard de ses amis peintres, se marquaient aussi bien dans la vie de tous les jours que dans la manière dont il offrait ses œuvres au regard des autres.


De son œuvre, je ne connais qu'une partie, celle qu'il avait exposé depuis trois ou quatre ans : paysages autour de Montpellier, étangs, natures mortes. J'avais été frappé par la manière dont il jouait de la texture du papier kraft qui lui servait souvent de support pour ses gouaches pour rendre au mieux les nuances de ciel ou de sable, de terre ou d'eau de ces zones de confins et de contact qu'il affectionnait. Il avait ainsi particulièrement bien capté l'esprit de ce quartier de la Pointe Courte à Sète au débouché des canaux sur l'étang de Thau où Agnès Varda avait tourné un des ses premiers films dans les années 60.



L'exposition de mars-avril 2006 de vues des bords de l'étang du côté de Mèze et de Bouzigues, dans cette zone conchylicole dite du Mourre blanc, m'avait remplie d'émotion avec ses atmosphères crépusculaires et mystérieuses. Plus récemment, en mars-avril 2007, la superbe série des Mas dans les vignes avait révélé à qui ne s'en serait pas douté son attachement viscéral à la terre, à la lumière et aux paysages d'ici.
 

René avait passé un bonne partie de la fin de l'été et du début de l'automne derniers à des séjours en Camargue. Il m'avait dit sa joie d'aller peindre sur le motif ce paysage difficile à saisir, de s'y immerger pour en capter les formes, les couleurs, les nuances de la lumière, les textures des matières de ce lieu de rencontre entre la terre, le ciel et l'eau. Je n'ai pas encore vu ce qui en a résulté (et je n'ai pas essayé de le faire), ce qui sera la matière même de cette exposition que René préparait avec ardeur, voulant réserver pour le jour de l'exposition la découverte du tout et de ses parties. Ce moment est venu et c'est le meilleur hommage que sa famille, ses galeristes et ses amis peuvent lui rendre.



Un dernier mot. Repassant mentalement en revue ce que je connais de l'œuvre de René Ferris, quelque chose me frappe maintenant dont je n'avais pas eu conscience jusque-là : il n'y a jamais de figure humaine dans ces paysages, fût-ce une ou de lointaines silhouettes. Alors serait-ce un monde dépeuplé, voire déserté que René nous propose ? Pourtant, il me semble que non. Ces paysages ont bien été façonnés par l'homme : vignes, mas, installation conchylicoles et le regard que pose sur lui René est apaisé, amical presque. Et c'est un monde habité par René, éclairé par son regard qui nous reste.



Remerciements pour les photos illustrant ce billet à Danielle Benzimra et à Martine Mongin
Galerie de l'Ancien Courrier
3, rue de l'Ancien Courrier
34000 Montpellier
04 67 60 71 88
l'exposition de la dernière série de tableaux de René sur la Camargue est visible pendant tout le mois d'avril à la galerie, voir site Internet