Vous ne m'en voudrez pas, j'espère, pour le retard à mettre en ligne la pensée de ce mois : voyage gastronomique au Pays basque fin juin et début juillet puis festival de Radio-France et Mplier LR ont fait plus que m'occuper. La citation sera donc musicale. En écoutant France Musique il y a deux jours, j'ai eu vent de la parution en français .... en 1927 d'un recueil des chroniques que le poète Heinrich Heine, exilé volontaire à Paris pendant de nombreuses années et qui y est enterré, a rédigées pour l'Allgemeine Zeitung d'Augsburg.
Parfaitement immergé dans la vie culturelle de notre capitale, amis de nombreux écrivains, peintres et musiciens, il était un partisan et un ami de notre Hector national, à savoir Berlioz. Dans ses souvenirs plutôt désopilants de la création de la Symphonie fantastique Il en a livré un portrait décoiffant où la vision romantique de l'amour fou que Berlioz portait à Harriet Smithson est un peu écornée au nom de l'humour dont Heine ne manquait pas. Citation en anglais (d'après l'original en allemand dont je ne dispose pas) dont je vous propose mon adaptation améliorée avec l'aide de l'ami Bernard M. qui a bien voulu me faire part de ses suggestions.
"It is a shame he has had his hair cut. I will always remember him the way I saw him for the first time, six years ago, with his antediluvian hair style, his hair standing on end, over his forehead like a forest growing on the edge of a steep cliff. The setting was the Conservatory of Music, during a performance of a great symphony by him. . . . The best part of the work was a Witches’ Sabbath, in which the Devil said Mass and Catholic church music was parodied with the most terrifying, bloodiest foolery. It is a farce in which all the secret serpents that we carry in our hearts come gladly hissing up to the surface. The fellow sitting next to me, a talkative young man, pointed out to me the composer, who was sitting at the far end of the concert hall in a corner of the orchestra, playing the timpani. For the timpani is his instrument. "Do you see there in the stage-box," my neighbor said to me, "that fat Englishwoman? That is Miss Smithson; Monsieur Berlioz has been madly in love with her for three years, and it is this passion we have to thank for the symphony we are now hearing." And in fact, Miss Smithson, the famous actress from Covent Garden, was sitting in the stage-box. Berlioz kept looking directly at her, and every time their gazes met, he would pound away on his drum as if possessed. Miss Smithson has since become Madame Berlioz, and her husband has gotten his hair cut. When I heard the Symphony once again at the Conservatory this past winter, Berlioz was sitting there again as the timpanist in the back of the orchestra, the fat Englishwoman was again sitting in the stage-box, their gazes met once again . . . but this time he no longer beat the drum so furiously."
Source: Heinrich Heine, "Über die französische Bühne" (1837). Transl. MEB
« C'est une honte qu'il se soit fait couper les cheveux. Je me souviendrai toujours de l'allure qu'il avait quand je le vis pour la première fois, il y a six ans, avec son style capillaire antédiluvien, sa chevelure hérissée au-dessus de son front, comme une forêt poussant sur le bord d'une falaise escarpée. Cela se passait au Conservatoire de musique pendant une exécution de sa grande symphonie....La meilleure partie de l'œuvre était le Sabbat des sorcières dans lequel le Démon dit la messe et où la musique de l'Eglise catholique est parodiée avec la plus terrifiante et sanglante bouffonnerie. C'est une farce où tous les serpents cachés en nos cœurs sortent en sifflant joyeusement à la surface. Mon voisin, un jeune homme bavard, me désigna le compositeur qui était assis à l'autre bout de la salle de concert faisant office de timbalier au sein de l'orchestre. Car les timbales sont son instrument de prédilection. « Voyez-vous là à l'avant-scène » me dit mon voisin « cette grosse Anglaise ? C'est Miss Smithson ; Monsieur Berlioz en est follement amoureux depuis trois ans et c'est à cette passion que nous sommes redevables de la symphonie que nous écoutons en ce moment ». Effectivement, Miss Smithson, la célèbre actrice de Covent Garden, était assise à l'avant-scène. Berlioz ne cessait de la dévisager et, chaque fois que leurs regards se rencontraient, il tapait sur les peaux comme un possédé. Depuis, Miss Smithson est devenue Madame Berlioz et son mari s'est fait couper les cheveux. Lorsque j'ai entendu de nouveau la Symphonie au Conservatoire l'hiver dernier, Berlioz était encore assis aux timbales au fond de l'orchestre, la grosse Anglaise était encore assise à l'avant-scène, leurs regards se rencontraient encore..... mais, cette fois, il ne tapait aussi furieusement sur les peaux »
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